Bois-le-Prêtre
Le site de Bois-le-Prêtre, situé au nord-ouest de Pont-à-Mousson, dominant à l’est la vallée de la Moselle et s’avançant en pointe vers le plateau de Haye, a connu des combats parmi les plus acharnés de cette guerre en raison de sa position stratégique.
Lieux des combats à l'ouest et au nord de Pont-A-Mousson
crédit photo : Centre Image Lorraine www.imagesde1418.eu
Situé à l’extrémité orientale du saillant de Saint-Mihiel, il constitue un verrou entre la vallée de la Meuse (donc Verdun qui n’est pas tombée lors de la guerre de mouvement) et le Grand Couronné de Nancy.
Ce massif forestier de 800 hectares, avec son point culminant - la Croix-des-Carmes - à 372 mètres, a concentré en ce périmètre très limité l’essentiel des combats du secteur, soit plus de 130 actions offensives ou défensives concentrées sur quelques mois.
Bois-le-Prêtre - un point marquant de la Grande Guerre en Meurthe-et-Moselle
Dans les tranchées à Bois-le-Prêtre
Crédit photo : Centre Image Lorraine www.imagesde1418.eu
Bois-le-Prêtre constitue un point marquant de la Grande guerre en Meurthe-et-Moselle en raison de la violence des combats et de l’acharnement des uns et des autres sur un secteur très réduit, pour un résultat quasi nul.
La violence s’illustre au travers de l’utilisation de toutes les armes industrielles, notamment des gaz et de jets de pétrole. L’acharnement des belligérants s’est inscrit dans le vocable des soldats eux-mêmes : d’un côté, les « loups de Bois-le-Prêtre », de l’autre, le « bois des Veuves », expression allemande qui illustre bien l’ampleur des pertes. Un peu plus de 14 000 soldats, tant Allemands que Français, ont péri sur cette portion du front.
Bois-le-Prêtre, symbole de combats meurtriers inutiles, s’inscrit dans la mémoire de la Grande guerre, par ses monuments, sa nécropole nationale et les traces encore nombreuses des combats situées en forêt.
D’ailleurs, l’ONF, en préservant le « chêne mitraillé », dernier témoin de ces combats ne s’y est pas trompée. L’arbre, traité, est à présent dans l’église de Fey-en-Haye.
Le site, par décret du 27 octobre 2008, a été classé parmi les sites historiques du département de Meurthe-et-Moselle.
Fey-en-Haye, cimetière et décombres de l'église
crédit photos : Centre Image Lorraine www.imagesde1418.eu
130 actions offensives ou défensives concentrées de 1914 à 1915
À la suite des opérations de septembre 1914, dans le secteur de Troyon (en Meuse) et aussi de la contre-offensive française du 22 au 25 septembre, les Français reprennent Flirey, Limey, Lironville, Mamey, et contiennent les Allemands des 37e et 46e régiments d’infanterie, dépendant du Ve corps de Posen, aux lisières du Bois-le-Prêtre.
Le 26 septembre 1914, la brigade mixte de Toul (167e, 168e et 169e RI), incorporée jusqu’en juillet 1915 dans la 73e division, puis la 128e division, s’installe à l’ouest de Montauville, dans les bois du Pouillot. À partir du mamelon Vert et du mamelon Vide-Bouteille, occupés fin septembre, les Français lancent des opérations destinées à prendre pied au sud-est du bois lui-même (fin octobre-début novembre 1914).
Du 7 au 8 décembre, les Français s’emparent en trois opérations successives de la maison du Père Hilarion puis, jusqu’au 10 décembre, poussent leur avantage vers le bois Munier : les positions allemandes ont été repoussées sur plus d’un kilomètre.
Pourtant, les hésitations françaises permettent aux Allemands de créer sur la crête de Bois-le-Prêtre une position renforcée : à compter de là, et jusqu’en août 1915, de rudes combats ont lieu et inscrivent le site dans la mémoire vive de la guerre.
Hormis des actions intermittentes sur les Haut-de-Rieupt, à Fey-en-Haye et à Régniéville, les combats se sont concentrés sur la ligne de crête passant l’éperon « hors bois », prolongeant le Quart vers l’ouest, soit au total, un front d’à peine 1500 mètres de longueur sur une profondeur de 600 mètres, variant de la tranchée forestière de Fey à la route de Fey à Norroy.
Les Allemands sont sur le Quart et organisés en trois grandes lignes de défense allemandes : la ligne des A et des Z – les lignes 8, 9, des L et des G – la ligne des C.
Tranchée à la Croix des Carmes
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Les opérations se déroulent en plusieurs temps.
- En janvier, les Français attaquent sur la lisière ouest du Quart : la 2e compagnie du 168e s’empare le 8 janvier 1915 de l’ouvrage A5.
- Les 17 et 18 janvier, le 168e et le 353e enlèvent la ligne des A et la ligne des Z ; cette dernière est reprise par l’ennemi le 20, et donne lieu à de sanglants combats qui durent six semaines.
- Le 1er mars, le bataillon Chaumont enlève en lisière l’ouvrage BI ; les Allemands réagissent pendant quinze jours par dix fortes contre-attaques qui n’aboutissent pas.
- Comme sur d’autres points du front, une guerre de mines se développe : le 15 mars, les Allemands font sauter cinq fourneaux de mines à la Croix-des-Carmes, sous la ligne des Z, mais le 3e bataillon du 167e réoccupe notre tranchée dans l’après-midi.
- À la fin mars, dans le cadre des opérations de la Ière Armée sur le saillant de Saint-Mihiel, la 73e division attaque : le 30 mars, à 8h45, le 167e, colonel Etienne, s’empare d’une partie de l’éperon hors bois et de la ligne des 8. Le lendemain, le 5e bataillon du 346e atteint la ligne C et à 21 heures, cinq compagnies du 169e enlèvent le village de Fey-en-Haye. La progression reprend dans le secteur hors bois le 10 avril.
- Début mai, l’offensive reprend : le 1er mai, le 168e enlève la ligne des 9 ; le 12 mai, en fin de journée, le 169e atteint la ligne des C, mais ne peut s’y maintenir. Le 15 mai, à 5 heures, l’ennemi attaque sur l’éperon hors bois, après avoir fait sauter quatre fourneaux de mines, sans succès. En revanche, dans l’après midi, le 167e et un bataillon du 169e prennent la ligne des C.
- Le 27 mai, le 167e et 367e atteignent la route de Norroy, perdue, reprise puis à nouveau perdue (30 mai-1er juin). Le 8 juin, une attaque française succédant à l’explosion de sept fourneaux de mines permet de s’emparer de trois lignes de tranchées allemandes dans le secteur de le Croix du Bois des Carmes, avec le 3e bataillon du 167e et le 5e bataillon du 346e.
- L’offensive marque le pas, sur ordre de la division, et les 167e, 168e et 169e RI quittent le secteur et sont remplacés par la 16e division d’infanterie coloniale.
Cet arrêt offre aux Allemands l’occasion de se ressaisir : pendant les trois dernières semaines de juin, il pilonne les positions françaises et le 4 juillet, une puissante attaque allemande repousse largement les Français sur leurs positions de janvier. - Le 8 juillet, les Allemands attaquent encore de part et d’autre de la tranchée forestière des Carmes, et progressent vers le Père-Hilarion, mais seulement d’une centaine de mètres, poursuivant leur effort jusqu’à la mi-août, mais sans plus de résultats.
Fantassins allemands - crédit photo : Centre image Lorraine www.imagesde1418.eu
Au cours des mois et des années suivantes, le secteur est toujours animé par des opérations ponctuelles mais qui n’ont plus l’intensité de celles des premiers mois de l’année 1915.
Les lignes, parfois rapprochées d’une dizaine de mètres seulement, ne bougent plus jusqu’à la fin de la guerre, et favorisent l’emploi des premiers camouflages pour protéger les guetteurs.
Ete 1918 - Arrivée d'une division américaine
Onze divisions françaises se succèdent à Bois-le-Prêtre avant l’arrivée, à l’été 1918, d’une division américaine. En septembre 1918, se replient sur la forêt des Venchères, à 4 kilomètres en arrière. Le Bois-le-Prêtre s’est laissé sans nouvelle offensive.
Marjolaine Thouvenot et Laurent Jalabert - Université de Lorraine
Crédit photos : Centre Image Lorraine (www.imagesde1418.eu)
Aujourd'hui
Plusieurs sites témoignent encore aujourd'hui de la violence des combats. Vestiges, nécropoles, villages détruits...